Quelles nouvelles voies pour l’engagement ESG des assureurs ?

Article extrait de notre étude : « Assurance & post-croissance : comment protéger à l’aune des limites planétaires ? »

L’engagement désigne le fait, pour un investisseur, d’interagir avec les entreprises qu’il finance pour influencer leurs pratiques et leur reporting ESG. Les politiques d’engagement peuvent emprunter des canaux variés, mais requièrent pour les assureurs de définir une intention d’investissement et de se référer à des seuils de soutenabilité. Ce faisant, ils aideront les entreprises à donner du sens aux données qu’elles publient, et deviendront progressivement capables de définir des trajectoires de soutenabilité pour leurs portefeuilles.

« L’engagement désigne le fait, pour un investisseur, d’interagir sur des sujets ESG avec les entreprises qu’il finance, en dette ou en capital, en ayant pour objectif d’influencer dans la durée leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) et/ou d’améliorer leurs pratiques de reporting en la matière. Ces exigences sont formulées dans le cadre d’une démarche structurée et suivie sur le long terme. » (France Assureurs, 2018)

Cette définition de l’engagement nous rappelle que les assureurs/investisseurs peuvent inciter les entreprises de leur portefeuille d’investissement à améliorer leurs pratiques en poursuivant deux objectifs complémentaires :

  1. influencer la façon dont elles réalisent leur métier, i.e. leurs pratiques ESG, souvent mesurées par une note attribuée par une agence indépendante;
  2. améliorer les informations qu’elles communiquent sur leurs pratiques, i.e. leur reporting ESG, qui sert de base aux notes accordées, en exigeant une plus grande transparence et en les aidant à donner du sens aux données brutes. Les modalités et l’efficacité des politiques d’engagement menées à ces fins dépendra du mode de gestion des investissements, comme résumé dans le tableau 1 page 100

Influencer les pratiques environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises

L’intégration de critères ESG dans les politiques d’investissement s’est généralisée dans les années 2010, et ces critères sont presque systématiquement considérés aujourd’hui dans les nouveaux investissements  – ne serait-ce qu’en raison de réglementations (réglementations sur la finance durable de l’Union Européenne, cf. frise en annexes p. 178) qui incitent à la redirection des capitaux vers des activités plus durables. En 2022, 82 % des actifs gérés par les assureurs étaient couverts par une analyse extra-financière autour des critères ESG (France Assureurs, 2023, p.  5), bien qu’une grande hétérogénéité demeure – entre et au sein des portefeuilles d’investissement – quant à ce que recouvre cette analyse. L’intégration de ces critères dans la politique d’investissement d’un assureur emprunte plusieurs voies, sur toute la durée de l’investissement.

Définir une politique d’investissement

L’intégration de critères non financiers dans une politique d’investissement peut répondre à différentes exigences de la part de l’investisseur (France Assureurs, 2018, pp. 27-28) :

  • conformité : intégrer des critères pour répondre à la réglementation, contraignante ou non (Déclaration universelle des droits de l’homme, Pacte Mondial des Nations Unies, SFDR, Loi Énergie-Climat, etc.) ;
  • éthique : définir un socle de valeurs, qui entraîne le plus souvent l’exclusion de pratiques jugées inacceptables, bien que légales (les secteurs du tabac, de l’alcool ou des armes, font par exemple souvent l’objet d’une exclusion) ;
  • performance extra-financière : sélectionner des investissements en fonction de leur notation ESG, sur la base de stratégies dites de « best in class » (entreprises présentant la meilleure performance ESG dans un secteur donné), de « best in universe » (meilleure performance ESG tous secteurs confondus) ou de « best effort » (entreprises qui présentent la meilleure progression de leur performance ESG au fil du temps) (AMF, 2021).

Christophe Revelli, chercheur spécialiste de la finance durable à Kedge Business School, rappelle l’importance pour l’investisseur de définir une intention préalable, qui guidera la sélection des investissements en fonction des exigences posées et de la contribution désirée : « Impact et double matérialité sont sur toutes les lèvres, mais en réalité l’ESG reste orienté par sa matérialité financière  : les investisseurs y prêtent attention pour afficher des bons scores et limiter les risques de réputation. Ils achètent des bases de données externes pour remplir leurs tableurs et cocher des cases, mais perdent de vue ce qu’ils veulent mesurer, et pourquoi ils investissent. Beaucoup d’investisseurs se contentent de suivre la réglementation sans afficher leur intention d’investissement.

Or, c’est dans cette thèse d’investissement qu’il faut replacer une logique de soutenabilité. Aujourd’hui, pour la majorité des acteurs, l’intentionnalité est financière. Or, pour avoir un impact il faut définir une intentionnalité en amont de l’investissement : c’est elle qui devrait déterminer à la fois la composition du portefeuille et les exigences de l’investisseur vis-à-vis de son portefeuille. En découlent ensuite la politique d’engagement actionnarial et la performance ESG recherchée dans les actifs sélectionnés.

Mais cela suppose d’avoir du temps à consacrer à chaque entreprise  : disposer d’analystes qui s’attardent sur les données transmises, prévoir des échanges réguliers avec les dirigeants sur la stratégie, envisager les enjeux ESG à l’échelle locale, etc. Une approche radicalement incompatible avec la gestion indicielle passive. Beaucoup de fonds s’engagent sur cette voie, principalement des fonds à impact. Mais ils restent largement minoritaires par rapport aux principales sociétés de gestion. On touche ici aux règles du jeu du système, et seuls des acteurs systémiques comme les grandes banques ou assurances sont à-même de les faire évoluer ».

Cette intention peut guider la sélection des actifs dans lesquels les assureurs investissent directement, mais aussi les mandats qu’ils confient à des sociétés de gestion. Ils peuvent notamment travailler avec elles à la création de fonds dédiés, afin de sélectionner des actifs qui apportent une contribution spécifique en ligne avec cette thèse d’investissement*. S’impliquer ainsi dès la création du fonds permet à l’assureur de rechercher des synergies entre ses activités et celles des entreprises financées  (voir l’entretien avec Cécile Cabanis, p. 114). S’il n’est pas impliqué lors de la création du fonds, l’assureur peut inscrire ses critères extra-financiers dans le mandat de gestion confié à la société de gestion, la laissant libre de sélectionner les investissements qui répondent à ces critères. C’est l’approche retenue par une initiative en faveur de la biodiversité, lancée fin mars 2024, par dix investisseurs institutionnels – parmi lesquels un certain nombre d’assureurs**.

Afin d’endosser le « rôle majeur » qu’ils ont dans la « réorientation des flux financiers en faveur de la biodiversité», ces investisseurs rassemblent leurs fonds et leur expertise – appuyés par des conseillers scientifiques –, pour confier des mandats à des sociétés de gestion fondés sur leurs approches « innovantes » et «mieux-disantes » en matière de biodiversité (CDC, 2024).

Définir cette intention est crucial  : privilégier certains critères extra-financiers peut mener à des arbitrages qui pèsent sur la rentabilité ou le risque des actifs. Si certaines bonnes pratiques ESG présentent aussi un bénéfice financier (isolation des bâtiments, diminution des kilomètres parcourus, etc.), d’autres représentent un coût net pour l’entreprise (par exemple l’investissement nécessaire à la décarbonation des cimenteries ou des aciéries, ou le maintien d’un salaire décent), qui pourrait entraîner un retour négatif sur investissement, y compris à long terme.

Ainsi, en définissant leur politique d’investissement les assureurs sont invités à sélectionner des projets et des entreprises qui, indépendamment de leur rentabilité, doivent nécessairement s’inscrire dans une démarche de transition et de redirection. Sous ce prisme, la question de la performance n’intervient que dans un second temps : il s’agit de sélectionner les meilleurs investissements dans un éventail des possibles réduit. Et la définition de cette performance elle-même se trouve modifiée, ajoutant à la rentabilité et au risque de l’actif des critères de soutenabilité pour l’entreprise sous-jacente.

*Cette dynamique correspond à celle des fonds à impact, des fonds thématiques qui cherchent à apporter une contribution sociale et/ou environnementale spécifique au travers de leurs investissements.

**Abeille Assurances, BNP Paribas Cardif, BPCE Assurances, la Caisse des Dépôts, CNP Assurances, EDF Gestion, Maif, Macif, Malakoff Humanis et Société Générale Assurances.

Jouer sur la composition de son portefeuille

Une fois le portefeuille constitué, l’assureur peut faire évoluer ses participations (la proportion de chaque actif dans son portefeuille). Il s’agit d’ailleurs de sa seule marge de manœuvre dans le cas d’un placement en gestion collective*, où l’investisseur accepte la politique d’investissement et d’engagement du gestionnaire. Le cas des assurances-vie placées en unités de compte (20 % des assurances-vie d’après l’ACPR (2023, p. 86)) représente un cas particulier où les assureurs n’interviennent qu’indirectement dans le choix des placements. Cependant, ils jouent un rôle de cadrage important, tant par les placements qu’ils proposent à leurs assurés que par leur devoir de conseil.

Pour identifier les placements qui correspondent aux critères désirés, les assureurs peuvent s’appuyer sur les notes ESG attribuées aux actifs. Or, contrairement aux notations financières, ces notes présentent souvent des divergences marquées entre agences de notation (Dimson et al., 2020).

Elles sont aussi critiquées pour leur manque de fiabilité et de comparabilité  (Van Weeren, 2022)  : les méthodologies, de même que les données utilisées varient significativement d’une agence de notation à l’autre. Elles tendent de plus à agréger des indicateurs très divers, allant de l’empreinte carbone aux pratiques de gouvernance, limitant les enseignements apportés par une note unique.

Les assureurs peuvent donc travailler à la construction de nouveaux indicateurs partagés entre les acteurs de la place, comme la Net Environmental Contribution (cf. encart ci-après), pour donner plus de sens aux données publiées par les entreprises.

*Organismes de placements collectifs (OPC), qui représentent 30 % des investissements des assureurs d’après l’ACPR (2023, p. 89).

LA NET ENVIRONNEMENTAL CONTRIBUTION (NEC), UNE TENTATIVE DE MIEUX SYNTHÉTISER L’INFORMATION ESG

Créée en 2015 par Sycomore AM, I Care et Quantis, la NEC est un outil qui permet de mesurer le degré d’alignement des entreprises et des portefeuilles avec la transition écologique sur une échelle unique, graduée de -100 % à +100 %.

La NEC témoigne d’une volonté de rendre plus précises les informations apportées par la notation ESG : elle se concentre sur les impacts environnementaux, hiérarchise les activités les unes par rapport aux autres en fonction de leur impact, et s’adosse à des indicateurs d’impact estimés à partir du cycle de vie des produits. Ainsi, elle offre un indicateur synthétique, nécessairement limité, mais plus riche en informations pour les investisseurs qu’une note agrégée pour les trois dimensions de l’ESG. La transparence de la méthodologie, ainsi que ses multiples déclinaisons sectorielles, favorisent aussi son appropriation par les gestionnaires d’actifs pour couvrir l’ensemble de leur portefeuille.

En 2022, la NEC est devenue société à mission, et a élargi son actionnariat à de nouveaux investisseurs, parmi lesquels Ofi Invest, filiale d’Aéma. Les assureurs ont ainsi la possibilité de soutenir de telles initiatives qui améliorent les informations à leur disposition, donc la cohérence entre leurs investissements et l’intention poursuivie.

Encourager l’amélioration des pratiques des entreprises sur toute la durée de l’investissement

Enfin, lorsqu’il dispose d’un canal de dialogue, l’investisseur peut encourager les entreprises en portefeuille à améliorer leurs pratiques, directement ou via le mandat confié au gestionnaire. S’amorce alors un engagement auprès de l’émetteur, qui peut adopter différentes formes.

L’engagement actionnarial

Dans le cas des actions détenues, l’assemblée générale constitue pour l’investisseur un moment critique et l’un des canaux les plus directs pour orienter la stratégie de l’entreprise. Les assureurs peuvent y voter pour approuver ou désapprouver les résolutions proposées ; dans les faits, ce droit est rarement exercé directement par les détenteurs d’actifs qui préfèrent souvent déléguer leur vote au gestionnaire, ou au conseil d’administration de l’entreprise concernée.

Les assureurs peuvent aussi déposer des résolutions pendant les assemblées générales, à condition de rassembler une part minimale de l’actionnariat*.

Le cas des résolutions Say on climate fournit un bon exemple de la capacité des coalitions d’actionnaires à introduire les sujets de durabilité dans les assemblées générales. Citons par exemple la prise de position suivie d’effet de la Banque Postale avec onze autres investisseurs chez Total en 2022 (Boisseau & Laurin, 2023). Ou encore la proposition déposée en 2023 par la coalition Follow This** (dans laquelle figurait des assureurs comme Aéma (France Info & AFP, 2023) qui, si elle n’a pas abouti, aura au moins amené les sujets de transition au cœur de l’assemblée générale.

Mais l’engagement actionnarial ne se limite pas aux assemblées générales. Les investisseurs peuvent dialoguer tout au long de l’année avec l’entreprise : demande d’informations sur la stratégie, sur les pratiques ESG, etc. par écrit ou sous la forme de roadshow. L’engagement actionnarial sera finalement le moyen d’aborder, avec les administrateurs et la direction de l’entreprise, les renoncements nécessaires pour des questions de soutenabilité.

D’autant que les assureurs sont eux-mêmes sous les feux des projecteurs, notamment du fait de l’action d’ONG qui les appellent à changer leurs politiques d’investissement. La campagne Insure our Future et les travaux de Reclaim Finance (cf. article précédent) établissent des états des lieux qui renforcent la lisibilité des pratiques d’exclusion existantes en matière d’investissement et de souscription. Ces ONG deviennent des interlocuteurs incontournables pour les assureurs et leurs initiatives pourraient s’appliquer à l’avenir aux critères d’intégration ESG. Une invitation supplémentaire à aligner leurs pratiques d’investissement et de souscription, et à les faire converger vers un engagement renforcé en faveur de la transition.

*En France, de 0,5% à 5% en fonction de la taille de l’entreprise.

**Une tendance croissante, voir par exemple les prises de position auprès de Shell début 2024 https://www.follow-this.org/ investor-briefing-feb-2024/.

VERS DES ALLIANCES ONG – INVESTISSEURS À IMPACT ?

« Certaines entreprises et investisseurs redoutent le moment où des alliances se créeront entre des ONG et d’autres investisseurs plus engagés. Pour le moment, ces deux mondes n’ont pas noué de liens, mais ils commencent à se rapprocher et vont mécaniquement finir par se connecter. Dans quelques années, on verra sans aucun doute des campagnes couplées entre investisseurs et ONG, qui réclameront la même chose à destination d’un certain nombre d’entreprises… qui pourraient même être des assureurs !» Maxime Mathon, associé chez Ascend et Co-président de la chaire Double Matérialité de l’Institut Louis Bachelier.

Définir une intention d’investissement est crucial : privilégier certains critères extra-financiers peut mener à des arbitrages qui pèsent sur la rentabilité ou le risque des actifs.

Donner du sens aux données

Lever les obstacles à la disponibilité des données ESG

Maxime Mathon, interrogé dans le cadre de cette étude, voit dans la disponibilité des données, et dans leur qualité, le principal écueil qui freine la redirection des investissements : « Chaque société de gestion fait appel à plusieurs fournisseurs de données pour alimenter ses évaluations ESG. Les assureurs se retrouvent donc à agréger des données dont les méthodes de construction diffèrent radicalement, sans savoir ce qu’ils agrègent. Le problème ne concerne pas tant la méthodologie de notation – chaque agence pondère les données comme elle le souhaite – que les données sous-jacentes, qui ont un grand besoin d’harmonisation.  Aujourd’hui tous les acteurs travaillent à partir de versions très différentes de la vérité, ce qui rend la comparabilité ou l’additionnalité impossible, et empêche donc tout calcul de performance extra-financière au niveau de l’investisseur institutionnel.

Les efforts des entreprises se concentrent sur le carbone, car c’est l’impact environnemental que l’on parvient le mieux à suivre et mesurer, grâce à l’existence d’un référentiel international, le GHG Protocol*, qui dicte les règles de la comptabilité carbone. Sur les autres impacts environnementaux, notamment plus localisés, comme la biodiversité ou l’eau, il n’y a aujourd’hui aucun référentiel standardisé. Uniquement des entreprises qui travaillent à construire un référentiel de leur côté. »

Dans une étude co-écrite avec Véronique Blum, Responsable scientifique de la chaire MAPMONDES** (Blum & Mathon, 2023), Maxime Mathon propose au contraire de créer un commun numérique pour les données ESG, seul moyen de rendre ces données comparables et accessibles à tous les investisseurs (cf. schémas ci-après).

*Le GHG protocol est un programme qui établit des standards internationaux de mesure des émissions de gaz à effets de serre. L’existence de telles méthodologies autorise la comparaison de données entre entités. À l’échelle française, ce rôle est joué par l’Association Bilan Carbone et la Base Carbone.

**La chaire de recherche MAPMONDES, mène des travaux de recherche pour accompagner les acteurs du secteur financier dans leur adaptation à la transition écologique et aux réglementations de durabilité.

Adosser les critères ESG à des seuils normatifs

Il est non seulement complexe de relever des données de qualité, mais il est également impossible – ou presque  – de les mesurer à l’aune d’horizons normatifs (Baue & Thurm, 2021)  : sans ces points de référence, difficile de réorienter les investissements dans une optique de durabilité.

Maxime Mathon en fait à nouveau le constat : « Le problème fondamental reste qu’il n’y a aucun seuil de durabilité, aucun niveau à partir duquel une entreprise peut se déterminer “dans les limites planétaires”. Les initiatives comme les Science Based Targets* ont bien proposé une approche détournée des seuils, en se concentrant sur le niveau de réduction attendu de chaque secteur [pour atteindre l’Accord de Paris]. Mais, aujourd’hui, les données ESG sont systématiquement des données descriptives, qu’on ne peut comparer à aucun seuil normatif, correspondant à une réalité désirable : rien ne nous permet de déterminer les impacts maximaux d’une entreprise ».

*La Science Based Targets initiative (SBTi) propose des référentiels sectoriels pour évaluer l’alignement de trajectoire de décarbonation avec l’Accord de Paris. Même si elle est aujourd’hui une des principales références en matière de décarbonation pour les entreprises, cette initiative demeure très critiquée, notamment pour son manque de transparence et de scientificité (Farand, 2021).

Tenir compte des interdépendances

La Taxonomie verte européenne insiste sur le risque d’effets collatéraux pour des investissements qui contribueraient à l’un des piliers de la taxonomie, mais exerceraient un impact négatif sur un autre. Elle impose pour cela des critères de do no significant harm (ne pas causer de dommages significatifs) et de minimum social safeguards (garanties sociales minimales) pour s’en assurer.

Cette logique devrait prévaloir dans toutes les mesures intégrées de performance ESG, de sorte que les investisseurs soient conscients des interdépendances et privilégient les actions qui présentent des co-bénéfices. Certains travaux peuvent éclairer la construction de tels indicateurs, en particulier ceux qui se sont penchés sur les interdépendances entre Objectifs de Développement Durable (ODD) (Dawes, 2022). Une démarche qui se révèlera particulièrement nécessaire pour les investissements à impact, qui revendiquent l’additionnalité de leurs investissements – où l’additionnalité ne peut être observée qu’à l’échelle du système, une fois pris en compte les effets induits.

LA FINANCE À IMPACT : LA RECHERCHE D’UNE CONTRIBUTION SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE DANS LES INVESTISSEMENTS

Selon l’Institut de la Finance Durable, la finance à impact est « une stratégie d’investissement ou de financement qui vise à accélérer la transformation juste et durable de l’économie réelle, en apportant une preuve de ses effets bénéfiques. Elle fait appel à trois principes piliers de la démarche, l’intentionnalité, l’additionnalité et la mesure de l’impact » (Finance for Tomorrow, 2021). L’additionnalité, en particulier, est cruciale dans la recherche d’impact : elle demande à l’investisseur de démontrer que son investissement est à l’origine de l’impact observé; que l’entreprise, grâce à l’investissement, a pu apporter une contribution additionnelle qui n’aurait pas eu lieu sans lui. Cela suppose notamment de décrire « les mécanismes de causalité via lesquels la stratégie [d’investissement] contribue à des objectifs environnementaux et sociaux définis en amont, la période pertinente d’investissement ou de financement, ainsi que les méthodes de mesure».

En février 2024, l’IFD a publié plusieurs guides méthodologiques afin d’encadrer l’activité des fonds à impact, ainsi que les méthodes de mesure de leur impact*.

*Ces publications sont accessibles ici https://institutdelafinancedurable.com/publications/